D’où viennent les formations langagières dans la psyché naissante ? Quels en sont leurs destins et les ombres de leurs traces dans la cure ? Qu’est-ce que parler pour un sujet ? Qu’est-ce que parler en analyse ? Dans un dialogue soutenu avec les métapsychologies freudienne et postfreudiennes, les textes rassemblés dans cette monographie témoignent du travail de l’écoute lorsque l’analyste est en contact avec de graves impasses dans la symbolisation langagière chez le patient. Dans les mouvements régressifs d’une identification primaire sollicitée en lui, la présence latente et le pouvoir d’interlocution interne d’oeuvres musicales, picturales, littéraires, offrent des chemins de traverse vers une pluri-vocalité qui hante de l’intérieur les affects et les contenus discursifs du patient. 

 

Les textes de cette monographie font suite au colloque « Les antichambres du langage », tenu à l’Université du Québec à Montréal les 8 et 9 mars 2019. Ils offrent des versions remaniées des communications qui avaient été présentées.

Le présent numéro de la revue Filigrane est consacré à des articles hors- thème, s’inscrivant principalement dans les rubriques Hétéros et Psychanalyse à l’université. Les propos des auteurs et autrices amènent à renouveler

le vœu que notre revue demeure à l’avant-garde des changements sociétaux et culturels, qui ne peuvent que bousculer la pratique clinique et faire progresser les fondements théoriques. Pour n’en nommer que quelques-uns, les thèmes de la pratique en milieu institutionnel, du travail « à distance », mais aussi des pratiques en périnatalité et de la controversée question de la diversité des genres sont ici au cœur de la réflexion des clinicien.nes.

Ce numéro s’inaugure donc par un article cosigné par Céline Boissonneault et David Smolak, qui aborde la situation actuelle et alarmante des psychologues œuvrant dans les institutions du réseau de la santé québécois. Cette intéressante réflexion amène à pousser plus loin le question- nement sur l’exode des psychologues vers la pratique privée, en déplaçant l’argumentation sur la place octroyée à la perspective fondamentalement humaine (au sens plein du terme) de ceux et celles-ci.

Toujours dans cette perspective de réflexions sur la pratique actuelle des psychologues, Alexandre L’Archevêque propose une analyse de la psy- chothérapie à distance, en décortiquant cette expérience complexe, selon des thèmes fondamentaux : notamment l’espace, le temps, le corps et plus largement le cadre. En découle une réflexion sur la fine intrication corps- esprit dans la pratique clinique d’orientation psychanalytique.

C’est d’ailleurs dans cette optique que Villemaire Paquin propose un article issu de sa pratique clinique, où justement le corps (celui de la patiente, celui du clinicien), dans sa réalité, dans son humanité est mis de l’avant, dès lors qu’il apparait indissociable du processus de subjectivation.

Cette section se conclut par un article de Pascal Roman, qui revisite, à partir de sa pratique clinique auprès d’adolescents, le célèbre fantasme freudien de fustigation inhérent à l’écrit fondamental: «Un enfant est battu». S’ensuit une analyse originale du mouvement psychique « paradoxalement maturatif » parfois voilé derrière la violence des agirs adolescents.

La rubrique Psychanalyse à l’université propos en premier lieu un article de Kassandra Pineault-Savard qui s’inscrit en complémentarité avec la pensée de Pascal Roman. L’autrice aborde le thème peu exploré de l’utilisation de l’humour agressif à l’adolescence. Sa recherche doctorale a su mettre en relief différentes dynamiques psychiques sous-jacentes à cet humour, et leur potentiel adaptatif pour les jeunes et leur environnement social – dans la perspective psychanalytique où l’agressivité demeure une composante essentielle et vitale du fonctionnement psychique.

Par la suite, un article de Cindy Mottrie et collaboratrices relate une recherche qualitative menée auprès de dyades mère-bébé. Les chercheures discutent du voile que peut constituer la connaissance de la famille dans le cadre de l’observation fine de bébés en souffrance. La pertinence de l’outil ADBB pour soutenir cette observation est discutée dans la perspective du développement actuel du secteur de la périnatalité.

Puis, Olivier Didier et Miguel M. Terradas proposent une riche réflexion sur le fonctionnement psychique «limite en émergence» d’enfants en lien avec leur vécu précoce infantile. Leur recherche fondée sur l’observation clinique du jeu symbolique est illustrée par deux vignettes qui mettent en évidence le potentiel de l’activité ludique comme révélateur de fonctionnements psychiques singuliers.

Ce numéro se conclut par une riche recension du livre de Nicolas Evzonas, «Devenirs trans de l’analyste». Jonathan Nicolas y explore avec moult détails les différents chapitres propres à soutenir chez les lecteurs et lectrices une vision novatrice de la transidentité, de la rencontre analytique qui en découle, laquelle ne peut qu’amener les clinicien.nes d’aujourd’hui à s’affranchir d’un « discours dogmatique ».

Ce numéro de Filigrane est constitué de la seconde partie du dossier «Psychanalyse hors cadre?» S’y retrouvent d’abord les textes du col- loque montréalais, éponyme, réalisé en format hybride en novembre 2021.

Albert Ciccone, Josée Leclerc, puis Réal Laperrière et Eveline Gagnon y abordent à tour de rôle la complexe notion de cadre psychanalytique. Les lecteurs pourront y découvrir des considérations fondamentales sur la posi- tion psychanalytique, puis la présentation de deux dispositifs psychanaly- tiques: la médiation artistique en psychothérapie, et la psychothérapie de groupe avec les enfants.

Puis, dans la foulée de l’actualité planétaire des dernières années, Martin Gauthier propose un article qui témoigne des défis relatifs au maintien d’un cadre psychanalytique à distance. Katia Tarouquella Brasil et ses collègues partagent ensuite leur expérience d’une clinique psychanalytique sociale- ment impliquée, offerte dans l’espace urbain de la ville de Brasília, capitale du Brésil. Ce dossier se conclut avec un article d’Irène Krymko-Bleton qui présente La Maison buissonnière, une initiative montréalaise inspirée des enseignements de Françoise Dolto.

Ce numéro se termine par deux articles de la rubrique « Psychanalyse à l’université » qui témoignent de la clinique des troubles relationnels pré- coces. Alors qu’Olivier Didier déploie une élaboration théorique relative au développement du trouble de la personnalité limite, Antoine Asselin et Miguel M. Terradas partagent leur expérience de la psychothérapie par le jeu auprès d’enfants victimes de traumatismes relationnels précoces.

Sophie Gilbert
pour le comité de rédaction

Ce numéro s’amorce avec les articles inspirés de l’argumentaire intitulé « Psychanalyse hors cadre ? » – à commencer par un texte réflexif de Denise Pronovost relatant sa propre rencontre avec la psychanalyse.

Tel que l’argumentaire en fait état, il apparait plus que pertinent de questionner la notion de cadre, non seulement en lien avec la popularité actuelle et imposée de la télépratique – à la suite de la pandémie de COVI-19 apparue après la rédaction de cet argumentaire – mais également en raison de la multiplication des différents dispositifs psychanalytiques qui ne sont pas sans impacter une quelconque certitude relative aux « fondamentaux » d’une approche psychanalytique. Qu’il s’agisse de la surprise relative à la rencontre « en acte » d’une dyade mère-nourrisson généreusement discutée par Pascale Gustin du point de vue de la répétition dans le transfert, ou des aléas des suivis auprès d’une population immigrante fortement précarisée, richement contextualisée par Sylvie Quesemand Zucca, la question du cadre psychanalytique se pose et ne peut faire abstraction du contexte planétaire actuel. Elle se pose tout autant lors de la rencontre « chemin faisant » d’une souffrance à fleur de peau, dont l’écoute psychanalytique autorise le déploiement, habilement relatée par Riadh Ben Rejeb. Finalement, la façon, abordée par Luc Magnenat, de comprendre les réactions singulières de patients à une réalité (environnementale, pandémique) dont nous sommes tous partie prenante, amène à se demander : quelle posture pour le psy intimement lié à la problématique révélée ?

La seconde partie du dossier est composée des textes de conférences ayant eu lieu à la Société de psychanalyse de Montréal. Élyse Michon aborde les enjeux relatifs à la téléanalyse en temps de pandémie, alors que David Benhaïm réfléchit à la large question de l’omniprésence du virtuel à notre époque.

Ce dossier thématique est suivi d’une nouvelle rubrique : La voix de la relève. Il s’agit ici d’articles dont les autrices et auteurs ont été récompensés à la suite de leur participation au concours de rédaction d’articles psychanalytiques par la relève. Cette idée de Vincent Cardinal (APPQ) a pris forme à travers une collaboration entre la revue Filigrane, l’Association des psychothérapeutes psychanalytiques du Québec, la Société psychanalytique de Montréal, la Société psychanalytique de Québec, et la Quebec English Branch de la Société canadienne de psychanalyse.
Quatre articles forts différents, mais tout aussi pertinents pour la pensée psychanalytique d’aujourd’hui, qui nous montrent que, malgré les aprioris, la relève est bien présente dans le milieu psychanalytique. Est présenté d’abord l’article ayant reçu le premier prix, ici dans sa version française; Inês Faro y questionne, à partir des écrits de Bion et de Doubrovsky, la large question de la rencontre entre le récit de soi, l’histoire personnelle, et l’expérience analytique. Puis, le second prix, ex-aequo, a été accordé à un article inspiré du film Melancholia et rédigé par Catherine Mousseu, qui nous ramène aux considérations actuelles, tributaires de la pandémie, quant à la finitude de l’humanité, le tout développé sous l’angle de la pulsion. La seconde place a été également accordé à Raphaël Bell Rouillard qui explore l’abord de la mémoire en psychanalyse et son lien avec la notion de vérité. Finalement, le thème de la symbolisation est revisité par Étienne Pelletier, sous l’angle de l’appropriation subjective.

Ce numéro s’achève avec un article de la rubrique Hétéros. Rachel Briand-Malenfant élabore sur la place de la rêverie et des repères dans la psychanalyse d’enfants; un article qui aurait pu, et pourrait de nouveau nous ramener, à la question de ce qui fait ou non cadre, en clinique psychanalytique.

 

Sophie Gilbert

Pour la revue Filigrane

Description à venir

Ce numéro débute par le premier volet du dossier « L’empire du faux », thématique au cœur de notre plus récent colloque, tenu à l’automne 2019. L’argumentaire à l’origine de l’événement, et qui figure en guise d’introduction, expose quelques-unes des nombreuses ramifications du faux, en allant des questions ontologiques aux enjeux épistémologiques, en passant par les phénomènes de désaveu, de dissimulation et de désinformation, sans oublier la « vérité » des patients, que celle-ci soit ou non sciemment voilée.

Le dossier prend son envol avec deux articles de François Richard, tête d’affiche du colloque. Dans le premier, Fabrication du mensonge, l’auteur s’attarde aux fondements paranoïaques-pervers du complotisme tel qu’on le retrouve dans notre culture contemporaine. Il en ressort le constat troublant d’une profonde crise de l’autorité, qu’elle soit politique, religieuse ou autre. Dans le second, Psychanalyse du faux, François Richard partage son expérience du traitement de personnes présentant des problématiques complotistes. Il insiste notamment sur la déstabilisation du thérapeute face à de tels patients, laquelle, conséquemment, compromet la capacité à fournir un accueil neutre et bienveillant à ces derniers.

Par la suite, Élyse Michon, elle aussi conférencière de notre colloque, nous transporte dans les remous tumultueux des rapports transférentiels et contre-transférentiels. Son texte, Le transfert. Le vrai, le faux et l’illusion véridique, traite entre autres du caractère de véracité de l’amour de transfert, sujet rarement discuté de par les tabous qui l’accompagnent. L’auteure met en perspective la conception de Freud et celle de Laplanche quant à l’inconscient et ce qui induit le transfert. Elle souligne l’exigence éthique qui incombe à l’analyste face à un possible abus de pouvoir.

Pour clore ce dossier thématique, Étienne Pelletier offre une réflexion intitulée D’un dire faux qui ne serait pas du mensonge. Mentir et se faire mentir à la lumière de la clinique des psychoses. L’auteur nous amène à réfléchir aux extrémités de la parole – sa racine et son effet – en illustrant la dichotomie possible entre les deux. Éviter de déduire la présence d’une intention mensongère constitue non seulement une nécessité clinique et éthique, mais aussi un défi de taille lorsque la personne qui écoute se sent délibérément trompée.

La rubrique Hétéros s’ouvre sur Le dessin et la psychothérapie d’enfants présentant des vulnérabilités de nature psychotique : illustration clinique, texte de Miguel M. Terradas, Antoine Asselin et David Poulin-Latulippe. Le dessin y apparaît comme l’assise d’un langage d’une grande valeur puisqu’il permet la liaison entre le contenu graphique, l’enfant et le thérapeute, palliant ainsi les difficultés d’élaboration par la parole. Au moyen d’exemples tirés de la clinique, l’usage pouvant être fait des dessins d’enfants dans le cadre d’une évaluation et d’une psychothérapie est décrit.

Mères-bébés : une histoire à co-construire, de Valérie Lamontagne, vient compléter la présente rubrique en discutant de concepts théoriques en lien avec le deuil développemental et le conflit de la parentalité se rapportant aux psychothérapies mères-bébés, telles qu’élaborées par Bertrand Cramer et Francisco Palacio-Espasa. La présentation d’un cas clinique étaye le propos.

Dans la rubrique Psychanalyse à l’université figure Le traumatisme psychique d’une naissance prématurée chez l’enfant : une revue de littérature réflexive, de Mélissa Lord-Gauthier. Cette dernière met en évidence le rôle possible du traumatisme de la naissance et de l’hospitalisation dans la survenue de séquelles neurodéveloppementales. Elle discute également des interventions qui visent à atténuer les effets nuisibles de ce traumatisme.

Le présent numéro se termine par une recension de l’ouvrage de Francis Levasseur, L’espace de la relation : essai sur les bureaux de psychologue, paru cette année aux éditions Varia. Véronique Lussier souligne notamment l’originalité de la réflexion de l’auteur et de sa démarche, alors que le sujet du cadre spatial est pourtant au nombre des composantes essentielles du travail clinique.