La résistance de Freud à l’égard de la musique est bien connue et le distingue de collègues analystes comme Theodor Reik, qui maintenait pour sa part une attitude d’ouverture et de sensibilité. Dans cet article, l’auteur examine divers témoignages permettant de documenter les positions de Freud, notamment son analyse du « pouvoir obscur » de la musique. En relisant ces témoignages à travers la critique de Reik, il propose quelques éléments d’interprétation susceptibles d’éclairer plusieurs raisons inconscientes de cette aversion particulière de Freud qui se disait lui-même « entièrement non musical », raisons qui ont à voir avec sa conception relative à la communauté. L’auteur montrera notamment que l’on trouve dans les thèses de son anthropologie religieuse (Totem et Tabou, L’Homme Moïse, L’avenir d’une illusion) plusieurs échos de cette conception de la communauté dont la musique serait l’expression emblématique, et l’espace symbolique symétrique de l’inconscient : lieu de traces, dépôt des signifiants originaires, antichambre dramatique du langage et du sujet.
Claude Vivier a été un compositeur de musique contemporaine québécois de génie. Son écriture musicale déroutante évoque chez le psychanalyste le monde enténébré d’une enfance d’avant les mots de la langue maternelle, marqué au sceau de tintements d’éléments percussifs et d’échos sonores dissonants au plus proche du corporel, d’où perce un ineffable parfum mélancolique. Dans la composition de la partie chantée de l’oeuvre (ainsi que peut le représenter Wo bist du Licht !), il y a l’usage singulier d’une langue inventée adressée à soi-même qui semble rejoindre la notion de jumeau paraphrénique mise de l’avant par Michel de M’Uzan. Les blessures psychiques précocissimes infligées au sujet Vivier ont généré un destin singulier de créateur sur lequel la psychanalyse peut se risquer à jeter un regard.
Ce texte est une méditation sur l’écriture poétique à partir de l’expérience de l’écrivain, expérience qui consiste à capter ce qui, du cri à l’origine, est devenu chant, phrasé, rythme, phrase insécable, matière première du monde qui couvre la masse du vécu. En convoquant pour les décrire deux poétiques remarquables, celles de Pierre Guyotat et de Marie-Claire Blais, l’auteure montre qu’elles gardent les traces d’un combat pour faire entrer dans la parole ce qui n’a pas de mot pour se dire.
Pour certains analysants ou patients, la mémoire est de la matière morte, inutilisable. Les exemples présentés dans ce texte nous servent à interroger l’écart existant entre l’usage du langage en séance et l’accès, souvent pénible, à ce que Lacan appelle « lalangue ». Une langue originaire de soi en quelque sorte, singulière et qui signale l’effort de l’infans pour arracher de sa gangue originaire une demande qui le fonde, qui le distingue du monde qui l’entoure et le tient enserré.
Dans un prolongement des interrogations dont témoigne le présent ouvrage, l’auteure s’attarde plus particulièrement aux textes de Lasvergnas et Leclerc et les fait dialoguer. Elle évoque son expérience de médiation improvisée au cœur de son propre parcours analytique ainsi que l’enseignement de son travail avec les enfants. Un travail crucial aux racines du sens par le recours au sensoriel, notamment visuel chez l’analyste, vient relancer un travail stagnant de figurabilité et de symbolisation chez le sujet et lui permettre la découverte d’une vitalité nouvelle de la pensée dans son alliance avec l’hallucinatoire et la sensorialité.
Le texte propose une réflexion sur les enjeux de la liaison et de la déliaison dans l’oeuvre de figuration primaire qu’implique l’écoute analytique. L’attention portée aux manifestations de figuration psychique, tant verbales que visuelles, auxquelles le cadre analytique offre un lieu d’expression privilégié, présente une portée clinique essentielle, pour autant que le psychothérapeute leur donne un abri psychique temporaire le temps nécessaire à leur gestation (Bion) et avant une possible assimilation pour le patient. Deux vignettes cliniques serviront d’étayage à notre propos.
À propos de Filigrane
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