La transmission de la psychanalyse freudienne a souffert de son institutionnalisation, et des totems et tabous qui l’ont accompagnée. Comme la musique, la psychanalyse se transmet et s’interprète par le même geste, ce qui alimente la culpabilité de la trahir. L’interprétation ouvre en même temps une petite apocalypse salvatrice (Baricco) face aux pièges totémiques. L’évolution institutionnelle a contribué à appauvrir le dialogue entre la psychanalyse et la culture actuelle, tandis que cette culture s’est éloignée d’un intérêt pour le monde intérieur, dans la mouvance de ce que nous appelons une défense maniaque de la vie quotidienne, à la suite de Winnicott. L’institution psychanalytique donne des signes d’une nouvelle vitalité et les centres de consultation plus économiquement abordables font foi de ce mouvement.

Martin Gauthier, pédopsychiatre, psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Montréal (SPM) et de la Société canadienne de psychanalyse (SCP) dont il a déjà été le président. Martin Gauthier est membre formateur à l’Institut psychanalytique de Montréal, et à l’Institut canadien. Professeur adjoint, Département de psychiatrie, Université McGill, et médecin répondant au CIUSS Centre-Ouest (Santé Mentale Jeunesse). Auteur de nombreux articles, en particulier sur la question du contre-transfert dans la supervision, sur la question du cadre, et la clinique de la transitionnalité, il est également membre du Conseil d’administration de l’Association internationale de psychanalyse (AIP/IPA).

Parler de la consultation psychanalytique aujourd’hui, c’est s’inscrire dans les mouvements de l’approfondissement métapsychologique qui a accompagné depuis les années 1960 l’extension de la psychanalyse très au-delà du champ de la névrose. C’est prendre la pleine mesure de l’importance mutative produite dans les dispositifs thérapeutiques et la théorie de la cure par l’expérience croissante de la rencontre clinique avec des patients relevant des pathologies « limites », des troubles narcissiques-identitaires et de certaines formes de psychose.

Est-il encore besoin d’évoquer Freud qui dès 1926 pressentait que « l’utilisation de l’analyse pour la thérapeutique des névroses n’est qu’une de ses applications », ajoutant : « peut-être l’avenir montrera-t-il que ce n’est pas la plus importante » (Freud, 1926).

Isabelle Lasvergnas, sociologue, psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Montréal (SPM) et de la Société canadienne de psychanalyse (SCP). Professeur honoraire, Département de sociologie, UQAM, Isabelle Lasvergnas a été directrice fondatrice de la Clinique psychanalytique de Montréal/Centre de consultation de la Société psychanalytique de Montréal (2006-2014), et est actuellement membre du collectif, Groupe psychanalytique du Mont-Royal (GPMR). Membre du comité international de la Revue Cliniques (Éres), elle est l’auteure de nombreux articles et a dirigé plusieurs ouvrages collectifs, notamment sur la question de la méthode psychanalytique et les premiers entretiens.

Ce texte aborde le thème de la transmission de la psychanalyse à partir de l’exploration des paradoxes et défis inhérents à cette transmission. Il aborde également certains enjeux identitaires dans le processus de transmission. Après avoir clarifié ce que la psychanalyse vise à transmettre, l’auteur propose trois voies de la transmission. Une première est l’expérience analytique. Une deuxième est l’expérience de la théorie. La troisième voie est l’expérience de supervision. C’est dans cette section que l’auteur décrit les divers défis qui guettent le processus de transmission, autant pour le superviseur que pour le supervisé, en commençant par la création d’un espace élaboratif dans le cadre de la supervision. Cet espace a un potentiel régressif qui s’active dans le processus de supervision ; ce qui peut favoriser un relâchement des repères identitaires qui demande de tolérer les limites floues où la stabilité de l’identité est parfois menacée chez les deux protagonistes engagés dans le processus de transmission. Appuyé par des vignettes cliniques, le texte aborde également le danger de l’idéalisation dans la supervision ainsi que le thème de l’entrecroisement de la supervision et de l’analyse personnelle. L’auteur propose enfin certaines façons de corroborer les traces de la transmission.

Gabriela Legorreta est psychologue et psychanalyste, membre de la Société et de l’Institut psychanalytique de Montréal, secrétaire de la Société canadienne de psychanalyse, présidente du comité de publications de l’Association psychanalytique Internationale. Elle travaille en pratique privée à Montréal.

Inspiré par le poète anglais John Keats, W. R. Bion considérait la capacité négative comme la qualité principale du psychanalyste, et il en faisait aussi pour le patient l’un des buts du traitement analytique. Cette capacité négative peut être mise en lien avec des concepts élaborés par différents auteurs, dont Freud (le masochisme érogène), Rosenberg (le masochisme gardien de la vie), De M’Uzan (l’inquiétude permanente), Press (la construction d’une position passive), Green (la passivité et la passivation), Ribas (la passivité de vie) et Phillips (être un embarras, être perdu, être impuissant). Quatre vignettes cliniques illustrent comment la capacité négative peut être défaillante chez certains sujets, notamment dans son articulation avec la temporalité, les rendant particulièrement intolérants à la souffrance ordinaire dont parlait Freud et entravés dans l’exploration de leur vie intérieure. Suivant Press, il est par ailleurs proposé que la sollicitation de la capacité négative puisse réactiver chez un individu la crainte de l’effondrement, et avoir pour effet, dans le travail thérapeutique, de mettre à mal la capacité négative du thérapeute. Ce dernier sera amené à devoir tolérer le fait d’occuper transférentiellement auprès de son patient la place de l’objet défaillant, pour permettre que s’actualise le négatif du non-advenu (Press). Il est enfin question de ce qui, dans la formation du psychothérapeute ainsi que dans la culture, peut favoriser ou compromettre le développement de sa capacité négative.

Réal Laperrière est psychologue et psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Montréal. Il exerce en bureau privé auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes.

Comment transmettre les fondements de la psychanalyse dans le cadre de la formation à la psychothérapie parents-nourrissons ? Comment peut-on appliquer la métapsychologie freudienne au travail analytique avec des nourrissons et leurs parents ? Des concepts tels que défense, transfert, sexualité infantile, Moi corporel et surmoi peuvent-ils s’appliquer dès le début de la vie ? L’importance de la relation libidinale, associée à la notion de défense contre l’angoisse primitive et au rôle des projections maternelles inconscientes, sera illustrée par des vignettes cliniques.

Christine Anzieu-Premmereur est psychiatre d’enfants et d’adultes, psychanalyste membre de la Société psychanalytique de Paris et de la New York Psychoanalytic Society. Elle est assistante professeure en psychiatrie à l’Université Columbia. Elle dirige le Département des psychothérapies parents-nourrisson dans le centre de psychanalyse de l’Université de Columbia.

Le Moi-peau est une théorie selon laquelle contenir et permettre la continuité et l’intégration sont des priorités quand on traite enfants et patients fragiles, de façon à maintenir une expérience de sécurité du Moi-peau, condition première pour se sentir vivant et croître. Les thérapies conjointes parents-enfants permettent d’intervenir à la fois au niveau intrasubjectif et interpersonnel. Un rôle essentiel de l’analyste est d’aider les parents à créer un espace transitionnel. Le jeu est un élément essentiel de cette technique, en donnant aux parents l’accès au jeu avec leur enfant qui fait alors des expériences qui peuvent modifier sa relation avec ses objets internes.

Christine Anzieu-Premmereur est psychiatre d’enfants et d’adultes, psychanalyste membre de la Société psychanalytique de Paris et de la New York Psychoanalytic Society. Elle est assistante professeure en psychiatrie à l’Université Columbia. Elle dirige le Département des psychothérapies parents-nourrisson dans le centre de psychanalyse de l’Université de Columbia.