Contrairement à ce que pensent certains, l’Œdipe n’est pas dépassé, il a toujours cours pour les psychanalystes d’aujourd’hui. D’abord parce que la légende d’Œdipe prise par Freud comme mythe organisateur central de la psyché, n’est pas l’histoire d’un névrosé « classique », mais celle d’un enfant victime d’une tentative d’infanticide, puis traumatisé par un abandon, une adoption, et qui agit tous les fantasmes originaires (meurtre du père, séduction, retour incestueux au ventre maternel, castration) au lieu de les rêver, comme le font nos états-limites d’aujourd’hui. Ensuite parce que la psychanalyse, notre discipline, située au cœur des sciences humaines, entre biologie et anthropologie, peut élargir l’Œdipe à d’autres modèles anthropologiques que celui des familles patriarcales de la culture de Freud. Elle le peut en utilisant les composants primaires de l’Œdipe, les fantasmes originaires organisateurs qui le constituent et sous-tendent les formes et les pathologies collectives de notre civilisation actuelle (immigrations traumatiques, familles et parentalités précaires ou atypiques, toxicomanies,etc.). Celles-ci se retrouvent toutes incarnées dans les cas difficiles de notre temps, aux limites de la cure classique, voire au-delà de ses possibilités, si sa technique, comme sa métapsychologie, ne sont pas étendue dans des directions déjà pressenties par Freud lui-même. Tel est le défi que nous avons à relever, tandis qu’Œdipe, fuyant son malaise familial, « court toujours » d’Athènes à Thèbes, puis à Colone, et au-delà.