Autour de l’exemple de Jean-Claude Romand, un Français ayant réussi à se faire passer pour un médecin chercheur à l’Organisation mondiale de la santé pendant plus de dix-huit ans, ce texte interroge les logiques inconscientes conduisant certains individus à ériger le mensonge en véritable manière d’être. Il est montré que, contrairement à ce qui a pu être écrit, lesdits « mythomanes » ne croient pas à leurs mensonges. Seuls leurs auditeurs y adhèreraient. Le sujet leur propose à cette fin un discours qui entre en résonance avec leurs attentes. Or, cette faculté à saisir ce que les autres désirent pour s’attirer leurs faveurs interroge. La capacité d’empathie extrême, quasi surhumaine, qui caractérise le fonctionnement psychique de ces sujets, apparaît comme étant le corollaire d’une immense précarité psychique. Totalement dépendants du lien à autrui, leur « talent » relationnel témoigne de l’existence d’une problématique narcissique aussi sévère qu’imperceptible. En retour, le mensonge, conçu comme un mécanisme de défense, les préserverait de la menace fantasmatique que leur ferait vivre un lien, dont ils auraient à la fois tout à attendre et tout à redouter.