À partir de ma pratique clinique, je constate que le fonctionnement psychique de certains enfants et adolescents s’est modifié dans notre civilisation, sous l’influence de changements survenus dans la structure familiale, d’une dissolution de nos instances surmoïques collectives, du refus de reconnaître l’inéluctabilité de la perte dans tout destin humain, et sous l’impact de facteurs technologiques tels qu’Internet. Ces changements soumettent le psychisme infantile à une activité de déliaison et/ou l’amènent à privilégier ce mode de fonctionnement par rapport à l’activité de liaison. Dans ces situations, la structure œdipienne, même si elle est toujours présente, ne parvient plus à jouer son rôle organisateur essentiel du psychisme humain car pour se déployer, elle a besoin d’un environnement pare – excitant et porteur de limites cohérentes dans les registres pulsionnels et narcissiques. Diverses « dérives » apparaissent, en particulier les mouvements d’indifférenciation sociétaux éloignent de l’investissement de la conflictualité intrapsychique et tendent vers un appauvrissement de l’imaginaire et une « déliaison » visant à tout réduire à un sexuel brut. Ceci est grave, difficilement réversible, et a des conséquences sur le travail du psychanalyste et sur sa place dans la société.