Une institution psychiatrique se définit comme un groupe de professionnels de compétences différentes, se réunissant autour du projet d’accueillir et de soigner des personnes ayant des troubles psychiques. Cette définition est examinée dans ses différentes dimensions : groupe, et donc collectif constituant un organisme vivant ; complémentarité ; élaboration d’un ensemble cohérent et sens de la notion de
cohérence ; actions communes et objet de cette pulsionnalité collective : le patient ou ses soins. Les questions du lieu de l’institution, et aussi de la nature du trouble psychique, sont également évoquées.
Ce texte propose de situer ce nouveau domaine d’interface, la dite «neuropsychanalyse » dans la logique de l’histoire de la psychologie afin d’en articuler une épistémologie contre-intuitive et non-réductionniste. Le fil conducteur est l’idée que, de par l’histoire de la pensée, ce furent à chaque fois les progrès bouleversants de la biologie qui ont donné lieu au fondement, puis à l’institution du domaine
de la psychologie. Or, nous nous trouvons à nouveau dans un moment de grand bouleversement par les progrès en neuro-imagerie. La visualisation cérébrale étant devenue totalisante, nous pensons qu’elle va acculer la psychologie à son heure de vérité. En effet, le mental, en cette époque du paradigme médical et neurobiologique, est soit mal pensé (sur un mode médical, induisant ainsi structurellement de la psychopathologie), soit n’est pas pensé du tout (réduit à un épiphénomène du biologique). Quand le dernier neurone sera finalement retourné, nous aurons enfin la certitude que l’âme ne s’y trouve pas ; il s’agira de fonder le psychique autrement, notamment à partir du sujet et non de la fonction. Le psychique pourra alors se révéler comme relatif à une perspective sur le corps, plutôt qu’à partir
du corps. D’où la subversion du paradigme classique qui propose de «remonter du corps à l’âme », comme dans ledit « dual aspect monism », soit l’épistémologie majoritairement en vigueur dans le domaine de la neuropsychanalyse. Nous nous démarquons de cette approche et souscrivons à un dualisme épistémologique, qui suggère que ce qui du sujet aidera à penser la physiologie, donnera consistance à une véritable science autonome du psychique. Plus précisément, nous proposons que les concepts de signifiant et de jouissance acquièrent une consistance du fait qu’ils peuvent offrir une grille de lecture éclairante de la physiologie du corps, voire même fonder une architecture de l’appareil psychique.
Face aux pathologies actuelles et au spectre de la dépression dans ses multiples formes, l’idée d’une solution mélancolique ou somatique invite à répondre à un défi nosologique, un peu négligé dans le contexte de la psychiatrie contemporaine. Il s’agit de remettre à l’ordre du jour les névroses actuelles de Freud, pour complexifier nos stratégies d’analystes. De différencier l’ombre d’un objet idéalisé retombant sur le moi, d’une carence représentative traumatique telle qu’elle va produire une « forclusion » du fantasme originaire de castration, à l’origine d’une lignée psychosomatique proche de la neurasthénie ou de la dépression essentielle. Un exemple clinique, avec une stratégie adaptée pour une personne ayant développé une pathologie cancéreuse, permettra d’illustrer ces notions. La stratégie employée, qui vise à travailler avec des traces mal représentées, n’est pas incompatible avec l’évolution vers une analyse classique, en déjouant le piège de la névrose actuelle de notre temps.

Après avoir évoqué l’évolution des pathologies, l’auteur rappelle que Sándor Ferenczi, dès 1928, a posé le concept d’empathie comme un outil majeur du psychanalyste. Prenant en compte les plus récents travaux à ce sujet, il montre ensuite que ce concept se laisse décomposer en trois dimensions. La première, l’empathie directe, est un mode de connaissance d’autrui qui permet de se mettre à la place de l’autre tout en restant conscient de la différence entre lui et soi. La seconde dimension est l’empathie réciproque, qui ajoute à la possibilité de se mettre à la place de l’autre le principe d’une réciprocité possible. Enfin, la troisième dimension correspond à ce qui est couramment appelé intersubjectivité, et qui consiste à reconnaître à l’autre la possibilité de nous éclairer sur des aspects de soi que l’on ignore. C’est cette dernière dimension que l’analyste doit avoir à cœur de développer. Sur ce chemin, l’auteur propose de penser la psychanalyse sur le modèle d’une relation de compagnonnage : mutuelle, réciproque et non symétrique.

L’auteure présente ici le texte remanié de la conférence qu’elle a don-née dans le cadre du Colloque organisé par la revue Filigrane, le 16 novembre 2013 : « Qu’est la psychanalyse devenue ? ». En référence à son expérience de près de 30 ans de travail comme psychologue,puis psychanalyste, œuvrant dans un hôpital psychiatrique pour enfants et adolescents, elle aborde la difficulté, partagée par bon nombre de cliniciens, de pratiquer avec une orientation psychanalytique dans une institution qui ne fait que peu ou pas de place à cette approche. Sa réflexion l’amène à entrevoir ce qui lui semble le plus important de préserver pour continuer à faire un travail psychanalytique dans les milieux institutionnels. Sa réponse à la question posée par Filigrane se décline ainsi en six points particuliers : la perspective temporelle, l’écoute de la réalité psychique, la menace faite à la langue psychanalytique, l’investissement du clinicien, la question de la résistance et de la survivance, et enfin, la transformation du pessimisme.

À partir du récit elliptique d’un parcours individuel, au plus près d’une subjectivité qui ne cesse de lui échapper et dans une position d’extériorité face aux milieux psychanalytiques, l’auteure tente d’élaborer des éléments de réponse à la question de ce qu’est la psychanalyse devenue.