À partir de ma pratique clinique, je constate que le fonctionnement psychique de certains enfants et adolescents s’est modifié dans notre civilisation, sous l’influence de changements survenus dans la structure familiale, d’une dissolution de nos instances surmoïques collectives, du refus de reconnaître l’inéluctabilité de la perte dans tout destin humain, et sous l’impact de facteurs technologiques tels qu’Internet. Ces changements soumettent le psychisme infantile à une activité de déliaison et/ou l’amènent à privilégier ce mode de fonctionnement par rapport à l’activité de liaison. Dans ces situations, la structure œdipienne, même si elle est toujours présente, ne parvient plus à jouer son rôle organisateur essentiel du psychisme humain car pour se déployer, elle a besoin d’un environnement pare – excitant et porteur de limites cohérentes dans les registres pulsionnels et narcissiques. Diverses « dérives » apparaissent, en particulier les mouvements d’indifférenciation sociétaux éloignent de l’investissement de la conflictualité intrapsychique et tendent vers un appauvrissement de l’imaginaire et une « déliaison » visant à tout réduire à un sexuel brut. Ceci est grave, difficilement réversible, et a des conséquences sur le travail du psychanalyste et sur sa place dans la société.

L’auteur rappelle la conception freudienne du complexe d’Œdipe comme structure universelle pour la mettre en question en regard de la clinique contemporaine et avancer l’idée du rôle central de l’organisateur œdipien de l’analyste dans la cure. Les fantasmes s’articulent au complexe d’Œdipe et constituent un monde à propos duquel Freud a émis des opinions contradictoires qui laissent entrevoir la nécessité d’une acquisition individuelle de la structure œdipienne. Une situation clinique de cure psychanalytique chez une patiente ayant vécu des situations traumatiques d’abandon montre que chez certains patients aux blessures narcissiques identitaires sévères, l’organisation œdipienne déjà présente et sans doute activée dans la cure permet une réinterprétation des traumatismes précoces et se révèle une structure attractive pour la psyché.

L’analyse d’une phobie chez un petit garçon de cinq ans—Le Petit Hans—l’un des textes fondateurs de la théorie psychanalytique, a été longtemps acceptée par tous les psychanalystes comme la confirmation de l’existence chez l’enfant du complexe d’Œdipe. Ce n’est que récemment que certains psychanalystes ont osé faire une relecture du matériel imaginaire de Hans. John Bowlby en particulier a suggéré que les menaces d’abandon proférées par sa mère étaient à l’origine de sa phobie des chevaux et d’autres après lui ont pu confirmer cette hypothèse à la lumière de matériaux historiques récents. À partir de cette relecture, un débat plus profond est ainsi mis en lumière entre un programme tout instinctuel et le rôle de l’environnement dans le développement de l’enfant. Le mouvement vers le pré-œdipien en psychanalyse de l’enfant et le rôle des interactions triadiques précoces dans le développement de l’Œdipe sont soulignés. Malgré ses limites, le Petit Hans demeure sans doute une lecture essentielle.

Psychanalyste d’enfants, d’adolescents et d’adultes, l’auteur examine les conséquences des modifications structurelles que connaît la société occidentale d’aujourd’hui, où le fantastique développement des techniques de communication vient s’ajouter à la fragilisation des structures familiales.Autant de facteurs nouveaux auxquels doit se confronter le développement des enfants d’aujourd’hui. Elle constate que le tissage entre les différents degrés de relation sociale et la relation de véritable intimité s’est délité et désymbolisé. Cet état incertain des relations humaines confronte l’individu à des exigences nouvelles dans l’économie de ses pulsions et, partant, à de nouvelles formes d’angoisse. La mondialisation de la communication virtuelle modifie radicalement le rapport à la réalité et à la vérité et augmente le risque de voir la « mentalité de groupe » prendre le dessus sur la pensée personnelle. Elle se centre sur les conséquences de la quasi-disparition, chez les enfants d’aujourd’hui en Occident, de la « période de latence » dont Freud, voici un siècle, faisait le socle de sa théorie du développement en deux temps de la sexualité humaine, du refoulement, de l’après coup et, par conséquent, de sa théorie de la névrose infantile et de la névrose de transfert. Sur ce sujet d’une haute importance tant clinique que théorique, elle développe des pistes de réflexion d’ordre phénoménologique, dynamique, économique et structural, sans oublier les conséquences de cet état de choses sur le champ analytique transféro-contretransférentiel.

résumé à venir

La réflexion psychanalytique, à travers notamment les travaux de Didier Anzieu et d’E. Bick a montré la place des échanges tactiles dans la structuration psychique de l’individu et ce qu’ils peuvent induire comme confirmation affective chez celui-ci. Dans le domaine de la périnatalité, l’haptonomie (F. Veldman) propose d’entrer en contact avec le bébé in utero à travers la qualité de présence de la main posée sur la paroi du ventre de la mère, le mouvement du bébé initiant en retour un dialogue avec le couple parental. Si l’haptonomie cherche avant tout à développer une interaction avec l’enfant à naître, elle ouvre un espace d’expression et d’accompagnement des problématiques d’attachement vécues par la mère suite à une fausse couche antérieure ou lors d’une grossesse à risque. Cet article exposera les présupposés sur lesquels se fonde l’haptonomie (notamment au niveau d’une phénoménologie du corps et de l’affectivité) et illustrera son propos de trois cas cliniques tirés de la pratique personnelle de l’auteur.